Propagation de la maladie
Lorsque l’agent pathogène contamine un aulne, les tissus récemment infectés, les racines et le collet, produisent une quantité importante de sporanges infectieux. Ces sporanges se propagent de deux manières différentes : par le sol et par l’eau.
Lorsque le niveau de l’eau augmente, notamment lors de crues, les parties nécrosées des troncs infectés vont se retrouver en contact avec l’eau de la rivière. A la suite de ce contact, il y a formation de sporanges à partir des oogones présents dans la nécrose. Les sporanges sortent de l’écorce via les lenticelles. A maturité, ces sporanges vont libérer des zoospores, qui sont des spores nageuses munies de bi-flagelles qui leur permettent de se mouvoir dans l’eau. Les zoospores vont ainsi être transportées par le courant et infecter les arbres en aval, soit au niveau du tronc soit au niveau des racines adventives non subéreuses (non protégées), produites pour éviter l’asphyxie lors des crues.
Phytophthora alni est également présent dans le sol sous forme d’oogones ou de mycélium. Sous cette forme, le champignon peut subsister plusieurs années dans le sol si l’hôte est présent. Dans le cas contraire, il ne survit pas plus de 3 ans.
Au contact de l’eau, ces oogones vont eux aussi former des sporanges qui vont libérer des spores nageuses.
Ainsi, Phytophthora alni se dissémine-t-il progressivement par le sol, transporté par les engins de travaux forestiers ou agricoles, la faune ou l’homme (chaussures), par le bois contaminé (résidus d’abattage, chablis) et surtout par l’eau de rivière, vers l’aval.
D’une manière générale, la contamination des arbres se fait d’amont en aval, par l’eau. Des infections d’aval en amont ont été observées, mais elles sont plus rares, causées par :
- la plantation d’arbres malades,
- l’introduction de poissons provenant de rivières infectées,
- l’intervention de l’avifaune,
- le bétail ayant accès à la rivière,
- le transport de terre d’une zone infectée (présence du champignon dans le sol).
Facteurs environnementaux et maladie de l’aulne
La présence de l’agent pathogène est corrélée à la distance au cours d’eau. En effet, plus un aulne est proche de la rivière (moins d’un mètre), et plus le risque d’être contaminé est important. La propagation du Phytophthora alni se fera d’autant plus facilement si les sols sont argileux/limoneux, la rivière large ou encore si les eaux se déplacent lentement. L’augmentation de la conductivité ?électrique des cours d’eau est également liée à celle de la maladie. Les fortes conductivités dépendent entre autre de la présence de fortes concentrations de chlorure elle-même lié à une couche géologique chargée de sel ou par la présence de nutriments dans l’eau. Le champignon est très actif dans des eaux à température élevée, ce paramètre étant étroitement lié à la couverture forestière riveraine (plus cette couverture sera faible, moins il y aura de zones d’ombre sur le cours d’eau et les eaux se réchaufferont plus rapidement et facilement) et au régime des écoulements (une eau lente ou stagnante se réchauffe plus vite).
Les zones soumises aux crues favorisent également la propagation puisque ce sont ces crues qui provoquent la sporulation. Les aulnaies soumises à des inondations périodiques, ou estivales, sont plus vulnérables à la maladie qui s’y développe plus facilement et rapidement. La constatation est la même pour des aulnaies avec une nappe phréatique? élevée.
Au contraire, le gel hivernal limite les populations du champignon qui sporulent difficilement lors de températures négatives. Les longues périodes de gel sont les plus néfastes pour le champignon puisqu’elles conduisent à sa mort. La mortalité est plus ou moins rapide selon les températures et la durée totale du gel. En effet, d’après les résultats obtenus, la viabilité de l’agent pathogène diminue significativement si :
- la température de -5°C persiste pendant au moins une semaine,
- la température de -7,5°C persiste pendant quatre jours,
- la température de -10°C persiste durant deux jours. L’hypothèse du réchauffement climatique n’est donc pas de bon augure, puisqu’une hausse des températures hivernales empêcherait la limitation des populations par le froid.
Les zones généralement soumises aux inondations, celles dominées par des faciès lentiques où les eaux se déplacent lentement, les rivières les plus larges et celles où les eaux se réchauffent facilement favorisent la propagation de la maladie. Ces quatre paramètres peuvent être souvent reliés à un facteur commun, il s’agit de la présence d’ouvrage hydraulique? transversal au cours d’eau.
Comment reconnaître un arbre malade ?
Phytophthora alni s’attaque au système racinaire et aux tissus conducteurs des aulnes. La circulation de la sève en est donc perturbée et l’arbre n’a plus accès à son alimentation. Les aulnes les plus âgés possèdent un système racinaire plus développé, ils résistent donc plus longtemps à la maladie que les jeunes sujets qui peuvent mourir très rapidement, en un voire deux ans. Les symptômes sont de deux types : corticaux (au niveau du tronc et foliaires (au niveau des feuilles).
Ceux qui sont présents sur le tronc, sont un effet direct de la contamination, puisque le champignon infecte tout d’abord le tronc et les racines de l’arbre. Les symptômes foliaires, sont un effet indirect de la maladie, car les feuilles se développent plus difficilement, à cause de la mauvaise circulation de la sève.
Symptômes foliaires :
Feuilles de taille réduite, vert terne à vert jaune
Perte foliaire et architecture du houppier* plus ou moins visible selon le niveau de dépérissement, mais l’ensemble reste homogène (aucune branches mortes)
Symptômes au niveau du tronc :
Présence de tâches rouille ou noirâtre et d’exsudats goudronneux (suintements noirâtres) sur le tronc
Nécroses corticales brunâtre pouvant aller jusqu’à plus de deux mètres en partant de la base du tronc (apparaissent au niveau des tâches). La délimitation entre la nécrose et le bois sain forme une bande de quelques millimètres de couleur brun foncé à noir.
Les tâches sur le tronc sont le signe le plus fiable quand à la présence de Phytophthora alni. Cependant, ces symptômes peuvent être masqués, voire effacés par des pluies abondantes.
Il semble que ces tâches n’apparaissent pas à un niveau précis du dépérissement.
Les symptômes foliaires sont moins spécifiques. En effet, les aulnes peuvent dépérir pour d’autres raisons : attaque d’un insecte défoliateur, âge de l’arbre… Dans ce cas le houppier est alors clair comme pour une attaque de Phytophthora alni et souvent on observe la présence de branches mortes parmi les branches saines. Alors que dans le cas d’une attaque de Phytophthora alni, il n’y a pas de branches mortes avec les branches saines.
De la même façon, les tâches noires ou les suintements peuvent être confondus avec une piqûre d’insecte ou un nœud mal cicatrisé (un léger grattement de l’écorce indiquera la présence ou non d’une nécrose corticale et donc du Phytophtora alni).
Gestion de la maladie : les actions du Syndicat
Surveillance et diagnostic
Le Syndicat suit la maladie de l’aulne sur les bassins du Vicoin et de la Jouanne depuis 2008. Le taux d’infestation de ce champignon est de 40% en moyenne sur le Vicoin (2018) et de 17 % sur la Jouanne (en 2018).
Les nécroses qui apparaissent sur les 2 premiers mètres du tronc, avec éventuellement des écoulements noirâtres, sont des symptômes typiques d’une infection par le Phytophthora. Cependant, l’observation de ces nécroses est variable au cours de l’année et n’est pas toujours aisée. Bien que moins spécifiques de l’infection par le Phytophtora, les symptômes foliaires sont plus faciles à observer et constituent malgré tout un bon témoin de l’état de santé de l’arbre. La démarche utilisée pour évaluer le degré d’infection des aulnes se base donc sur l’état du houppier. Le diagnostic de l’état sanitaire de chaque arbre constitue une phase préalable essentielle dans la gestion des dépérissements. Cela permet ensuite d’avoir une vision globale (et locale) sur l’évolution de la maladie à l’échelle du bassin et de pouvoir suivre son évolution d’année en année.
Les moyens d’actions
a. Gestion de la maladie par recépage?
Le recépage des aulnes malades n’est pas une priorité dans la gestion de la maladie car on ne peut espérer éradiquer le Phytophtora par l’abattage des arbres atteints. Le recépage permet cependant, dans certains cas, de maintenir la souche vivante et d’assurer la continuité de ses fonctions. En effet, les rejets de souche qui apparaissent après l’abattage sont sains, excepté pour les aulnes mourants.
En ce qui concerne les aulnes mourants ou morts, il est conseillé de maintenir ces arbres afin d’éviter une détérioration des berges et du paysage. La coupe de ces arbres peut cependant s’avérer nécessaire pour des raisons de sécurité.
b. Principes généraux en cas d’abattage
Pour assurer une bonne reprise de la souche, il faut respecter 3 conditions principales :
1. Assurer une bonne mise en lumière de la souche :
o Recéper par petites trouées
o Eviter des gestions arbre par arbre (sauf en cas d’éclairement important)
2. Effectuer le recépage des aulnes avant un stade de dépérissement trop avancé.
3. Recéper entièrement la souche, ne pas laisser de « tires-sèves ».
o le type de cordon (densité, composition, structure) sur la rive? opposée ;
o l’exposition du tronçon.
Plus particulièrement, si la mise en lumière des souches s’avère être limitée, dis poser les « petites trouées » en vis-à-vis sur les deux berges plutôt que sur une berge? ou en quinconce.
c. Quelques mesures pouvant limiter la propagation de la maladie :
• Eviter l’utilisation du bois d’aulne pour les aménagements des berges (tuteurs,…) et en plantations,
• Favoriser les peuplements riverains mélangés, moins sensibles aux maladies que les peuplements monospécifiques.
Remarque : l’utilisation de fongicides « anti-Phytophtora » est déconseillée. Ces produits entraînent la disparition des symptômes mais non l’éradication de l’agent pathogène. Lequel reprend le dessus dès l’arrêt des traitements et, par conséquence, recommence à infecter le milieu.
Recommandations techniques pour la réalisation des abattages d’aulnes
Il est impératif de nettoyer les outils de coupe pour éviter de disséminer la maladie.
a. Période préconisée
Réaliser les coupes en hiver avant la montée de sève pour maintenir intact le potentiel de rejet de la souche.
b. Techniques à mettre en œuvre
• Réaliser une coupe nette, franche et légèrement oblique pour favoriser l’évacuation de l’eau
• Couper le plus bas possible pour permettre aux rejets de développer un enracinement indépendant, c’est-à-dire :
o pour les franc-pieds (FP) : juste au dessus du niveau du collet ;
o pour les cépées (CP) : juste au dessus de l’insertion des brins, ou à 20 cm du sol dans le cas d’une insertion des brins à plus de 50 cm du sol.
• Tous les recépages effectués dans une zone d’accès par le bétail doivent être protégés par une clôture contre l’abroutissement.
c. Précautions particulières pour les cordons d’aulnes dépérissants
Les cépées doivent être recépées dans leur entièreté, il faut donc éviter :
• de maintenir des « tire -sèves » qui affaiblissent la souche ;
• de couper un brin malade au sein d’une cépée car cela n’empêche pas le développement de la maladie.
d. Que faire des rémanents ?
Les billes de pied portant des nécroses, tout comme les éventuels rejets infectés seront éloignées du cours d’eau. Idéalement, ils pourraient servir de bois de chauffage, ce qui éliminerait tout risque éventuel de contamination. Les branches peuvent être broyées. Le broyat est exporté ou mis en haut de berge. Le rejet de copeau dans l’eau de rivière est déconseillé, surtout lorsque la température de l’eau est supérieure à 6-8°C car les copeaux pourraient alors servir de vecteur de transport à longue distance du Phytophthora. Les copeaux issus des branches sont à priori indemnes de toute contamination par l’agent pathogène (qui n’est présent que dans les racines et les billes de pied) mais, par mesure de précaution, leur utilisation en broyage est à éviter.
Les branches peuvent également être disposées en tas (fagots) sur le haut de la berge, de manière à éviter tout contact avec le cours d’eau pendant les mois qui suivent.